LA TORNADE

Tiki est un tout petit garçon triste. A l’école, personne ne veut jouer avec lui parce qu’il est vraiment tout petit. « Je ne joue pas avec les bébés ! »  disent ses camarades. Il n’est plus un bébé, ça lui fait de la peine et il est triste. Et puis il y a Maco, le plus grand, le plus fort et le plus méchant des enfants, qui passe son temps à le l’embêter et à entrainer ses amis à en faire autant. A la maison, ce n’est pas mieux : ses parents sont très déçus d’avoir un garçon si petit qu’il ne peut rien faire et ne les aide pas du tout.

Mais il a trouvé des amis, des vrais amis grands comme lui : les poules, les canards et les oies de la bassecour. Il passe beaucoup de temps avec eux et maintenant il sait comment leur parler et comment comprendre ce qu’ils disent. Il n’est plus seul, les enfants de l’école peuvent bien se moquer de lui, ils ne savent pas comme ces animaux sont gentils.

Un jour où le vent soufflait très fort son père est revenu des champs en courant. En entrant dans la maison il s’est écrié :

- Vite, une tornade arrive ! Fais entrer le chien et ferme vite tous les volets.

- Dis, Papa, c’est quoi une tornade ?

- C’est un vent très très fort qui tourbillonne et qui peut tout emporter : les charrettes, les animaux, même le toit de la maison peut partir. Ça s’envole et ça retombe un peu plus loin. Va te coucher et n’ouvre surtout pas la fenêtre.

Tiki file dans sa chambre, il a très peur. Il a peur pour ses amis de la bassecour. Que vont-ils devenir ? Il faut les prévenir, mais comment ? Au bout d’un moment, il n’y tient plus, il se lève, ouvre la fenêtre, saute dehors et file vers la bassecour. En chemin, il rencontre son oie préférée qui lui crie :

- Reviens vite dans la maison, ça va souffler très fort.

- Mais, les autres…

- Ils sont à l’abri. Vite, ça commence. Trop tard ! Pas le temps d’aller à la maison, suis-moi.

Ils se précipitent vers l’abri le plus proche, la niche du chien et se blottissent dedans. Aussitôt la tornade arrive et commence à tout secouer. L’oie prend Tiki contre elle, bien à l‘abri sous son aile pour le protéger.

Soudain une bourrasque renverse leur abri qui commence à rouler par terre. Tiki et l’oie essaient de se remettre à l’endroit quand le vent finit par emporter la niche qui s’envole avec ses occupants. C’est l’affolement. Dans les tourbillons, ils s’agrippent où ils peuvent pour rester ensemble au fond de la niche que le vent emporte dans le ciel. Ils ne sont pas les seuls : ils voient passer devant eux une brouette, un renard, des branches d’arbre avec toutes leurs feuilles et beaucoup d’autres choses. La niche est soudain heurtée par une planche que le vent fait tournoyer dans l’air et Tiki doit s’agripper de toutes ses forces pour rester dedans avec l’oie. Il a peur et se blottit contre son amie qui le protège sous son aile.

Tiki voit que la maison a été épargnée et il s’en réjouit, mais il voit aussi que le toit de la grange de Ludo, leur voisin, a été emporté et est retombé près du lac. Parfois il reconnait des objets qui volent en l’air à côté d’eux avant de retomber. Il voit passer le vélo rouge de Maco qui atterrit dans un roncier au bord d’un chemin. Même le grand chien noir n’a pas pu résister au vent et tournoie dans le ciel avant de retomber dans un petit lac.

Tiki et l’oie, bien agrippés dans leur abri regardent, effarés, ce que la tornade a démoli. Tout en tourbillonnant dans le ciel ils voient la campagne environnante jonchée des débris et Tiki peut reconnaitre, çà et là, des objets que le vent a arrachés dans les fermes du voisinage et déposés un peu partout.

Bientôt c’est leur tour de retomber et Tiki comprend soudain qu’il va s’écraser par terre. Il est terrorisé. Mais l’oie l’attrape avec son bec et le dépose sur son dos en lui disant :

- Agrippe-toi bien à mes plumes, surtout ne lâche pas !

- J’ai peur !

- On va y arriver. Attention, je pars !

L’oie avec Tiki sur son dos sort de la niche et vole de toutes ses forces pour s’éloigner de la tornade. C’est dur et l’oie doit faire des efforts énormes pour lutter contre ce vent tourbillonnant en évitant les objets qui volent en tous sens.  Finalement, malgré le poids de Tiki sur son dos, elle arrive à se poser dans la cour de la maison.

- Va vite dans ta chambre parce que si ton père sait ce que tu as fait tu vas te faire gronder sévèrement.

- Oui, je vais passer par la fenêtre. Merci beaucoup, tu m’as sauvé !

Quand le père de Tiki entre dans la chambre, il le trouve dans son lit, comme s’il avait fait une bonne sieste.

- Voilà, Tiki, la tornade est passée. Allons voir les dégâts.

- Oui, Papa, ça a soufflé très fort ?

- Très fort mais nous n’avons pas été beaucoup touchés. Allons voir les voisins, je crois que ça a été plus dur pour eux.

La discussion va bon train : « j’ai perdu ceci » ou « toutes mes poules ont disparu » ou encore « J’aurais cru que ça aurait résisté ! ». Leur voisin Ludo dit soudain :

- Le toit de ma grange est parti. Où peut-il être ?

- Il est dans le champ au bord du lac, répond vivement Tiki. J’ai même cru qu’il allait tomber dans l’eau !

- Et comment sais-tu ça ? demande son père

- Je l’ai vu… Euh…Pendant que je faisais la sieste, en rêve, dit Tiki qui se rend compte qu’il lui faut mentir un peu s’il ne veut pas que son père découvre ce qu’il a fait.

- C’est vrai, j’ai vu une toiture près du lac, dit un autre voisin. Je pense que c’est celle de ta grange. Mais dis-moi, Tiki, dans ton rêve, tu n’aurais pas vu ma brouette ?

- Si, elle est à la croisée des chemins, près de la ferme de Léo. Elle est un peu cassée.

- Je l’ai vue, dit Léo, je ne savais pas à qui elle était.

- Et mon chien ?

- En bas de notre champ de maïs, dans le petit lac

Tous regardent Tiki, étonnés. Ils pensent que ce garçon trop petit a le pouvoir étrange de deviner où la tornade a dispersé les objets. Personne ne se doute de la vérité alors on se met à le regarder avec respect. Maco s’approche de lui.

- Et mon vélo rouge, tu sais où il est ?

- Oui.

- Où ça ?

- Si je te le dis, tu me laisseras tranquille ?

- Oui.

- Tout le temps ?

- Oui.

- Et tes amis aussi ?

- Oui.

- Promis ?

- Promis juré, si je mens je vais en enfer.

- Il est derrière le petit bois, dans un fourré de ronce au bord du chemin.

La vie du village a repris. Tiki va à l’école le cœur léger car depuis la tornade tout le monde le respecte. Maco et ses amis sont très gentils avec lui et plus personne ne songe à le traiter de bébé. Quand il entend quelqu’un dire du mal de la tornade il pense que, finalement, il lui doit beaucoup. Mais ses nouveaux amis de l’école ne lui font pas oublier ses vieux amis du poulailler et surtout l’oie, qui s’est si bien occupée de lui et qui lui a sauvé la vie.